La difficile démocratie en ruralité
Hildegund Janzing, Psychologue clinicienne, partage ses constatations dans un article publié par le Devoir.
Elle vit dans un village de 230 habitants. Elle nous livre un portrait très fidèle de ce qu’est la démocratie des petits villages. :
Eh oui, dans les petites municipalités, les intérêts des uns et des autres sont parfois visibles à l’oeil nu.
Choisir un siège plus ou moins au hasard — au risque de se faire reprocher de « provoquer des élections » (ça coûte cher !) et de se présenter contre un tel ou une telle qui est pourtant gentil ou gentille et « ne t’a jamais rien fait » !
[I]l est d’usage que celui-ci travaille en caucus, donc à huis clos, pour prendre l’ensemble des décisions. Les réunions publiques, elles, ne servent plus qu’à les entériner. Ainsi, on respecte les lettres de la loi, mais je ne suis pas sûre qu’on en respecte l’esprit. En tant que citoyenne, je n’ai plus aucun accès aux discussions, aux réflexions, aux échanges d’arguments entre ceux et celles que j’ai pourtant élus.
[…] tu débarques au conseil et oses poser des questions, tu es nécessairement un peu « fatigant », un peu « fatigante »…
[O]n peut voir des organismes locaux pénalisés par les autorités ou encore victimes de chantage en raison d’opinions politiques exprimées par un ou une de leurs bénévoles ; on peut voir des élus « annuler » des concitoyens dissidents — par exemple en cessant de les saluer sur la place du village ou en refusant délibérément leur candidature pour des comités.
Hildegund Janzing, Le Devoir du 27 mai 2024
L’article complet en vaut la lecture.
Voici ses pistes de solution:
1. Abolir la numérotation des sièges et présenter les bulletins de vote sous forme d’une liste de candidats dont les six ayant obtenu le plus de votes seront déclarés élus.
2. Réserver le caucus au transfert d’information et aux sujets devant être traités à huis clos pour permettre à la population d’avoir accès aux débats si essentiels à la vie démocratique.
3. Offrir des formations de déontologie tenant compte des particularités des petits milieux. Pour rappeler aux élus l’importance de voter en fonction de leurs convictions pour lesquelles la population leur a accordé sa confiance plutôt que de chercher à tout prix l’unanimité (de façade ?) et pour les outiller pour arriver à bien différencier les opinions des personnes, le débat politique du conflit personnel.
4. Explorer des façons innovantes de regrouper les conseils municipaux et de mutualiser les ressources de villages adjacents pour augmenter leur efficacité et leur professionnalisme. Sans se tourner vers des fusions pures et simples où, habituellement, le plus gros avale simplement le plus petit, peut-on penser à des solutions originales, adaptées à chaque milieu ?
Hildegund Janzing, Le Devoir du 27 mai 2024
Le projet de loi 57 annonce-t-il la judiciarisation des débats et des luttes sociales?
Notre collègue et ami Richard E. Langelier, juriste et sociologue, a aussi récemment publié un article au Devoir en fervent défenseur de la liberté d’expression.
La liberté d’expression protège aussi le droit du public à l’information, [public qui] doit disposer des informations suffisantes pour pouvoir participer au jeu démocratique.
Richard E. Langelier, le Devoir du 21 mai 2024
M. Langelier fait un rapprochement entre la loi 57 et les éoliennes…
Les « affinités électives » qui semblent se dessiner entre ce projet de loi et les objectifs énergétiques du gouvernement Legault sont donc troublantes.
Ainsi, quand le gouvernement Legault octroie aux deux unions municipales une subvention de 1 million de dollars chacune pour soutenir les élus prétendument diffamés ou harcelés alors que lesdites unions sont devenues au même moment de chaudes défenderesses du développement éolien en territoire agricole ou habité et alors que les débats sociaux sont, sur ce point, intenses, bruyants, incommodes pour les zélateurs de tels projets.
Il dénonce les mises en demeure que les municipalités ou MRC ont dirigé vers des citoyens critiques de leurs méthodes, dont lui-même a été victime.
La loi risque donc de créer une « atmosphère » défavorable à tout débat démocratique véritable. C’est sans doute l’effet inhibiteur que souhaitent les auteurs de cette loi.
Ce n’est d’ailleurs pas en faisant d’une simple algarade avec un élu un délit passible d’amende salée qu’on fait progresser le débat démocratique…
La démocratie est malade selon lui, et vous?
[…] ce qui a profondément choqué les populations a été sans contredit l’absence de transparence, la confidentialité extrême maintenue par les élus locaux sur tous les aspects de ce projet.
Cette démocratie, malade de ce manque de transparence, n’affecte malheureusement pas que les projets énergétiques.
Il dénonce les MRC qui « ne font aucun effort pour rendre leurs décisions compréhensibles ou travailler à stimuler la participation des citoyennes et citoyens atmosphère ».
Il relève, lui aussi, l’esprit non démocratique des conseils municipaux:
[…] caucus où les élus prennent véritablement les décisions alors que les assemblées publiques sont bâclées […] où l’on voit les conseillers et conseillères se transformer en robots votants, sans explications, sans discussions, sans possibilités pour les citoyens d’intervenir sinon à une brève période de questions à la fin de la rencontre et alors que les décisions ont déjà été prises.
Il conclut en questionnant l’impact de ces lacunes démocratiques sur la radicalisation du discours public.
Il me semble donc que cette loi ne correspond pas aux standards constitutionnels en matière de liberté d’expression : […] les moyens qu’elle met en forme sont trop larges et ses effets délétères l’emportent de loin sur ses mérites.
Le PCENY a signé la déclaration du MEPACQ pour dénoncer ces effets délétères du projet de loi 57: DÉCLARATION PL57 – UN RECUL POUR LES DROITS ET LIBERTÉS
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